maracuja, la longue route autour du monde

Perte sèche, et perte humide...

Envoyée jeudi 05 mars 2020 à 23:12:00

ARRIVEE PUNTA ARENAS DIMANCHE

Je pense aujourd’hui  pouvoir psychologiquement raconter mon sauvetage par le LINDANGER ….
Après avoir relu mon récit du naufrage, 2 correctifs :
Les vents n’étaient « que » de 50 nœuds ( environ 100km/h) avec rafales à 60 nœuds  
les vagues  n’étaient « que » de 10 à 12m...
Une nouvelle fois, le hasard s’est transformé  en chance dans mon malheur, comme j’ai pu le vérifier dans d’autres « péripéties » de ma vie de navigateur...

Le LINDANGER  qui partait pour Punta Arenas était le seul navire dans cette immense  zone déserte loin de toute zone de trafic maritime, et, avait quitté la Nouvelle-Zélande avec 3 jours de retard sur son timing prévu. Il n’était donc qu’à 2 jours de ma position lors de mon naufrage et a rebroussé chemin en mettant le cap au SW.

 J’ai essayé de gérer au mieux le positionnement. J’ai embarqué sur le radeau la balise de détresse, 2 VHF portables dont une ASN (qui pouvait envoyer ma position dans un rayon de 10 M environ, malheureusement avec une batterie à moitié de sa capacité), embarqué également  mon téléphone iridium qui m’avait servi pour préciser ma position aux contacts à terre avant d’embarquer sur le radeau. J’allumais et éteignais ma balise pour pouvoir gagner sur son autonomie qui est au maximum de 48h. J’ai utilisé mon ASN uniquement vers la fin en estimant que le LINDANGER était à portée. En fait quand je l’ai rallumée le LINDANGER m’appelait tous les ¼ h depuis une heure… Il n’était qu’à 3 M de moi et j’ai pu lui donner une position GPS très précise… Heureusement car la visibilité était inférieure  à 100m (sur la photo on peut vérifier que de la passerelle on ne distingue qu’à peine l’avant du navire). C’est une véritable performance qu’ils ont accompli pour retrouver ce grain de poussière dans ce désert.
Le navire s’est d’abord positionné sous mon vent pour casser la houle et espérer que le vent me fasse dériver vers lui... Mais, compte tenu de ses dimensions il dérivait trop et ne pouvait maintenir sa position. Il m’a donc prévenu qu’il allait changer de bord et je l’ai vu disparaitre dans le brouillard... Après un moment qui m’a paru très long,  sa corne de brume m’a averti de son retour.  A vitesse réduite, il est venu droit sur moi et au dernier moment a évité pour me positionner à une trentaine de mètres sur son tribord. De nouveau entre les vagues créées par son étrave, la houle et le vent je m’éloignais de lui!!!  Les boulines (qui leur servent pour envoyer leurs aussières) n’arrivaient pas jusqu’à moi. J’essayai, en vain, de pagayer pour m’en approcher… C’est alors qu’ils ont eu l’idée d’envoyer avec fusée une ligne de 300m environ pour couper ma trajectoire (voir photo) et ça a marché!!! J’ai pu ainsi me rapprocher progressivement du bateau et saisir un des cordages qu’il m’avait envoyé… Phase critique lorsque je me suis trouvé sur le flanc du navire avec des mouvements qui pouvaient me faire passer sous la coque!!!   Ils avaient mis en place l’échelle de pilote, impossible à saisir et gravir engoncé dans ma combinaison de survie!!! Puis envoyé un harnais... Même chose pour l’enfiler et le boucler... Ils m’ont alors descendu la balancelle qu’ils utilisent pour faire des travaux extérieurs sur la coque du bateau et remonté à bord. Au préalable je leur avais fait hisser un sac contenant quelques affaires dont mon passeport et les papiers du bateau... Ils m’ont conduit immédiatement à la salle d’infirmerie et après m’avoir déshabillé (bonjour l’odeur d’urine!!!) et m’ont plongé pendant une ½ h environ dans une baignoire à 37°5 en effet, ma température interne était descendue en dessous de 35°... Ma tension était correcte malgré tout. Je suis resté toute la journée à récupérer et ils venaient régulièrement vérifier tension et température… Au bout de 3 heures, tout était rentré dans l’ordre.

Il va falloir maintenant conclure ce long chapitre de mon existence... Une véritable renaissance... Mon bateau avait été expertisé 100 000 €  en septembre 2019 mais, n’ayant pu trouver de compagnie d’assurance pour ce périple, j’étais donc « nettement » en dehors de ma zone de navigation et, donc non assuré !!!! Perte « sèche » de ma « maison » (pratique de la dérision) depuis 35 ans, perte « humide » des larmes sur la perte engloutie à jamais des souvenirs objets et photos , vidéos de mon univers...

Je n’ai jamais pensé que j’allais mourir !!!
Depuis toujours j’ai eu envie de vivre jusqu’à ma mort sans jamais me résigner!!!
Je suis Sain et Sauf ???? SAIN, de corps et d’esprit, certainement... SAUF que …..


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